Habiter Habiter en résonance : corps, espaces, objets

Habiter en résonance : corps, espaces, objets

Enrichir notre compréhension de l’habitat par la sensorialité


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Extrait de « Apprendre habiter. Tâtonnements et ajustements : les aventures du quotidien », l’ouvrage restituant les recherches menées au sein de Leroy Merlin Source entre 2020 et 2023, le texte de Pascal Dreyer « Habiter en résonance: corps, espaces, objets » explore les interactions complexes qui se tissent entre le corps humain, le logement et les objets. Il met en lumière l’importance de la sensorialité et des expériences corporelles dans la manière d’habiter un espace. À travers quatre chantiers de recherche, il examine comment, à différentes étapes de la vie, les expériences sensorielles individuelles influencent notre perception et nos interactions avec nos espaces de vie. Et leur donnent leurs significations.

Au commencement est le corps

L’auteur rappelle que le corps est notre première habitation. Cet organisme multisensoriel résonne, dès l’arrivée du tout petit enfant dans la « maison natale », avec les espaces, les personnes et les objets qui l’entourent. Or ce caractère fondateur et formateur de la sensorialité dans la manière d’être au monde est souvent ignorée dans les études sur le logement. Là le corps est souvent réduit à une simple fonction instrumentale.

Pourtant, les recherches menées par Leroy Merlin Source depuis 2011 décrivent diverses expériences corporelles au cours de la vie, de l’enfance à la vieillesse :

Ces expériences corporelles, souvent sous le radar de la conscience sociale, révèlent l’importance du vécu corporel dans notre manière d’habiter.

Expériences corporelles et habiter : le primat de la vue et de l’audition

Quels sens mobilisons-nous en Occident ? Principalement la vue et l’audition, tandis que le toucher, le goût et l’odorat sont souvent mis de côté. Les sons et les bruits du logement sculptent notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Ils créent une enveloppe sensorielle qui accompagne notre manière d’habiter. Tandis que la vue sur les espaces intérieurs du logement et l’environnement extérieur est tout autant une source de plaisir qu’une exercice de la maîtrise de son chez-soi. Certaines expériences sensorielles de l’enfance jouent un rôle fondateur dans notre manière d’habiter.

Adolescence : le son comme expérience corporelle et construction de l’identité

Explorant les territoires du chez-soi des adolescents, Elsa Ramos révèle qu’ils émergent par frottement des différents bruits et sons produits par l’adolescent et ses proches. Elle déconstruit l’idée reçue que la chambre personnelle est le territoire par définition de l’adolescent. Comment ? En prêtant une attention cartographique à l’empiétement de bruits et des sons. Elle montre ainsi qu’un « territoire personnel » est un endroit où l’enfant se sent protégé et en sécurité. Que ce soit au milieu des sons de la maisonnée perçus comme rassurants. Aussi bien qu’éloignés des bruits perturbants de la fratrie ou des parents. La construction de cet espace personnel est cruciale pour son développement et son intégration dans le réseau des relations familiales.

Le rôle sensoriel des objets qui façonnent les temporalités de l’habiter

Sur un autre registre, mais mobilisant également les sens, les objets jouent un rôle sensoriel très important. Ainsi Pascal Dreyer et Elsa Ramos ont étudié les objets d’ailleurs. Qu’ils soient hérités, rapportés de voyages ou liés à des expériences de migration et d’expatriation, ces objets d’ailleurs mobilisent les sens. Les dimensions géographiques, temporelles et relationnelles dont ils sont porteurs actualisent des expériences passées. Leur résonance sensorielle et émotionnelle définit le présent de l’habiter. Ils transportent les habitants à travers le temps et l’espace, dans les activités quotidiennes. Ils créent ainsi une enveloppe sensorielle dense et interpellante.

Mutualisation de l’habitat, vivre ensemble

Enfin, à l’ère de l’Anthropocène et du désir de nouveaux modes d’habiter, le partage interroge les notions traditionnelles de propriété et d’individualisme. La mutualisation des espaces, des biens et des services requiert un apprentissage nouveau. Les habitants étrangers les uns aux autres désirant vivre ensemble doivent développer de nouvelles compétences corporelles et relationnelles. Les expériences sensorielles et relationnelles des habitants rencontrés par Damien Rondepierre peuvent influencer les valeurs et les significations du partage à l’âge adulte. Comme l’explique une enquêtée, dont l’engagement dans un habitat partagé s’enracine dans les souvenirs de la cuisine de ses parents commerçants.

Les expériences sensorielles fondatrices de l’enfance

Les expériences sensorielles de l’enfance et les différentes étapes de la vie façonnent profondément notre manière d’habiter. L’intégration du corps comme un élément central de l’habitat permet de comprendre l’habiter dans toute son épaisseur concrète, émotionnelle et symbolique. Ainsi Pascal Dreyer et Florence Vernay notent dans la recherche Arrangements qu’une passion pour le jardinage et la cuisine développée dans l’enfance peut façonner de manière déterminante l’organisation et les choix préférentiels des espaces dans les logements occupés adulte. Ces expériences corporelles initiales, souvent heureuses, peuvent aussi être traumatisantes. Elles modèlent de manière décisive la relation des habitants à l’espace habité à l’âge adulte.

Habiter, c’est se situer dans un lieu, en relation avec des espaces et des temporalités. Tout en mobilisant des expériences de vie passées et présentes. Il s’agit d’entrer en résonance avec son propre corps pour (se) créer un habitat durable et enrichissant.

Ces recherches de Leroy Merlin Source relues au prisme de la sensorialité montrent que les apprentissages de l’habiter ne sont pas seulement cognitifs et sociaux. Ils sont aussi profondément corporels et sensoriels. Les « arrangements » corporels et spatiaux quotidiens des habitants sont invisibles, car pris dans la trame du décor du logement. Mais ils sont essentiels à leur bien-être et à leur sentiment de sécurité ontologique. Aussi modestes et fragiles soient-ils en apparence. Ainsi la prise en compte du corps percevant et sensoriel enrichit notre compréhension de l’habitat et de notre relation au monde.

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