Architecture & urbanisme La nature et le jardinage dans la vie des Français et des clients de Leroy Merlin – 2

La nature et le jardinage dans la vie des Français et des clients de Leroy Merlin - 2

Synthèse de la journée d'étude du 29 mars 2010, Villeneuve d'Ascq


La nature – ou la préoccupation de la nature, depuis les espaces verts publics jusqu’aux jardins, terrasses et balcons, occupe une place de plus en plus importante dans la vie des Français  et répond à différents besoins : communion et proximité avec les éléments naturels, détente, convivialité, loisirs… Les attentes exprimées sont multiformes, et progressent en parallèle à des modes de vies de plus en plus urbains. Chez soi, les moindres espaces intérieurs ou extérieurs sont investis pour accueillir une plante en pot ou dégager un jardin miniature ornemental ou potager…

Aujourd’hui, nous sommes à la croisée de savoirs ancestraux et de tendances fortement émergentes : jardins potagers et jardins familiaux, jardins d’agrément et jardins « à la Française » sont inscrits dans notre culture, avec aussi bien des préoccupations vivrières que domestiques… Et dans le même temps, des préoccupations contemporaines s’imposent : l’intérêt pour des produits de plus en plus sains et « naturels », la recherche de nouveaux espaces de convivialité collective dans les jardins partagés, les préoccupations et inquiétudes environnementales liées au changement climatique, le développement des « circuits courts » des produits alimentaires…

Si l’espace nature des Français reste un lieu de transmission fort, on aspire désormais à ce qu’il ne soit plus celui de la pénibilité ou de l’échec possible. Même un apprenti jardinier veut pouvoir réussir ses cultures dès ses premières plantations. Si les attentes environnementales sont fortes, celles du résultat immédiat le sont tout autant. Le jardin cristallise donc des attentes riches et paradoxales.

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Cette journée d’étude interne de Leroy Merlin Source a permis aux participants d’approfondir leurs connaissances de ces tendances. Ont été croisés les savoirs de spécialistes du paysage, des espaces verts, des jardins privatifs, de l’urbanisme et de l’architecture… Et établis les liens nécessaires entre le savoir des professionnels dans l’espace public et l’évolution des pratiques individuelles dans les espaces privés.

La matinée a été consacrée à un panorama des connaissances actuelles : études des attentes des Français, grandes évolutions des conceptions et des pratiques du jardinage, évolution de nos représentations de la nature dans nos cadres de vie.
L’après-midi a permis de développer ces thèmes à travers des exemples, des pratiques et des témoignages, au sein de trois ateliers, en prenant comme guide la conception du jardin par Leroy Merlin :

1 – concevoir et structurer un jardin adapté aux nouveaux modes de vie et aux nouveaux enjeux
2 – cultiver et entretenir son jardin
3 – vivre heureux dans son jardin / profiter d’un espace extérieur / d’un contact avec la nature

Synthèse des interventions et débats

Sébastien Savariau, directeur de groupe Produits Jardin, Leroy Merlin
Le jardinage est l’un des quatre piliers de l’activité de Leroy Merlin. L’entreprise compte plus de deux mille jardiniers pour accompagner ses clients, et leurs projets de végétalisation et d’aménagements de nombreux espaces : balconnières, balcons, terrasses, jardins d’agrément et jardins vivriers. Ils les accompagnent aussi dans leurs anciennes et nouvelles façons de jardiner : force est de constater en effet que les manières de cultiver et d’entretenir son jardin se sont autant diversifiées que les espaces accordés aux plantes et à la nature. Leroy Merlin est tout particulièrement attaché au rôle du jardin comme espace vecteur de relations intergénérationnelles riches et comme vecteur non seulement d’une plus grande qualité de vie mais aussi d’une plus grande santé des habitants. Les changements qui affectent notre société nous demandent toutefois de considérer d’un œil nouveau les problématiques traditionnelles du jardin, de son aménagement et des travaux que l’on peut y faire : le vieillissement de la population et l’allongement de la durée de la vie individuelle, les évolutions de l’habitat vertical, les attentes citoyennes des consommateurs en matière d’impact sur l’environnement, etc. Les interventions de cette journée ainsi que les ateliers seront consacrés à l’exploration de ses différentes thématiques et aux manières d’y répondre.

Le jardin en questions

Didier Larue, paysagiste, atelier LD
Didier Larue s’est découvert paysagiste en se promenant dans les forêts de mélèzes : « au cours de ces promenades, j’ai éprouvé profondément que je n’étais pas un utilisateur de la nature mais que je prenais part au monde. Cette compréhension de ma place dans l’espace et de ma relation avec la nature est étroitement liée à l’importance de la sensation dans ce que je vis et pense. » Didier Larue a témoigné également du fait que sa famille manifestait un fort attachement au jardin potager, à la beauté des plantes, aux rencontres que l’on y fait, à l’odeur fraîche de la terre le matin. Aussi, pour lui, le jardin ne se réduit jamais à un décor. Il est plutôt une interrelation ou une interaction entre un habitat, des habitants et un environnement.
Pour étayer ce propos de manière concrète, Didier Larue a projeté des images de plusieurs projets qui articulaient de manière différente l’habitat et son environnement et le rôle des habitants :

Responsabiliser les habitants
Projet de Bois Guillaume, habitat collectif (76). Ce projet d’urbanisation comprenait 650 logements qu’il fallait implanter de la manière la plus naturelle et la plus évidente possible dans un paysage initialement rural. Le projet s’est construit autour de l’eau (une mare) : une grande coulée verte a permis de créer un parc de 25 mètres de large qui accueille les eaux pluviales ; la recréation des haies bocagères et des vergers ; une communication forte sur les espaces les plus riches en faune et en flore pour responsabiliser les nouveaux habitants.

Effacer les frontières entre le jardin privé et les espaces naturels collectifs
Projet de Corbas, habitat collectif (69). Dans ce projet il s’agissait plutôt de concevoir de manière plus ouverte les prolongements entre espaces privés et espaces collectifs. « L’effacement des frontières n’est jamais accepté facilement par les habitants car la barrière, la clôture restent fortement associées à l’accession à la propriété et donc à un statut enviable alors que l’espace ouvert renvoie au collectif pauvre et rapidement en déshérence car n’appartenant à personne. » a précisé Didier Larue. Il a fallu également que le paysagiste refuse la dimension décor du parc et propose des formes naturelles (les fossés par exemple) dans lesquels les enfants allaient pouvoir aller jouer malgré les craintes des parents. « Mon objectif est d’enrichir à nouveau le milieu de vie global. Les jardins privatifs profitent largement en termes de pollinisation, etc. des apports du parc. L’habitat que nous créons doit faire sens et corps avec son environnement qui lui préexistait. Le grand problème auquel nous nous confrontons dans ce type de projet est la peur des habitants de tout ce qui apparaît comme abandonné, non entretenu donc sauvage, indiscipliné. » Les habitants et les élus ont peur de la nature dissimulatrice, de l’eau stagnante et des trous d’eau. Or l’environnement a besoin de ces zones « sauvages » pour s’enrichir. Le problème des rapports entre le sauvage et l’entretenu, le discipliné se pose de la même manière avec l’aménagement des espaces verts des lieux de travail : « je cherche toujours à intégrer toutes les fonctionnalités : patio, bassin filtrant pour la régulation des températures et la création d’un microclimat autour du bâtiment, prairie fleurie pour la diversité, parking poreux, etc. »

Le jardin particulier, allié climatique
Projet de jardin pour maison particulière, Saint-Pierre-Lapalud (69). Ce jardin a été conçu comme un véritable allié climatique. « La pelouse a été volontairement limitée et prend la forme d’un tapis, comme dans une pièce à vivre. Les haies n’ont ni fonction décorative ni défensive mais utiles. Il s’agit de fruits rouges, placés à portée de la main. La treille de caduques apporte l’ombre l’été et laisse filtrer la lumière dans la maison l’hiver. Le jardin est conçu dans sa globalité pour utiliser le moins d’eau possible. Un jardin humide sert de filtre à la piscine d’eau naturelle. »
En conclusion, Didier Larue a rappelé la culture très française de la nature maîtrisée : domestication, contrôle, lute permanente contre le sauvage. Autant de gestes et d’attitudes qui caractérisent toujours les jardiniers et leurs attentes. Ce rapport à la nature et au sauvage est très différent en Allemagne et en Angleterre. L’enjeu actuel est l’accompagnement par les professionnels d’un changement des mentalités des particuliers et des collectivités pour que le sauvage retrouve une meilleure image pour les habitants (espaces pas délimités nettement, zones humides, etc.).

Lire aussi l’entretien avec Didier Larue sur www.leroymerlinsource.fr

Sylvie Sagne directrice adjointe des Espaces Verts, ville de Lyon
Sylvie Sagne a présenté le résultat de dix ans de travail au sein de ce service pour accompagner la mutation qui a fait passer la Ville de Lyon de l’entretien de ses espaces verts à la gestion globale de l’environnement.
Les services des espaces verts de la Ville de Lyon comptent 250 jardiniers de génération et d’habitudes de travail différentes. Ils entretiennent 400 hectares de jardins (soit 9m2 par habitant), 55 000 arbres (la communauté urbaine de Lyon en entretient de son côté 230 000) et interviennent environ 2000 fois par an. Le coût d’entretien des espaces verts est de 5,20 € par an et par m². Au total les services des espaces comptent 423 agents.

La Ville de Lyon a souhaité construire un projet environnemental global autour de la gestion évolutive durable. Cela a supposé de mener avec les jardiniers un travail de compréhension des nouveaux enjeux qui dissociait clairement d’une part la reconnaissance de qualités professionnelles liées à des modes de travail, et d’autre part des pratiques qui devaient évoluer. L’objectif était également de penser les espaces verts comme des espaces plus naturels, plus autonomes. L’une des ambitions a été de parvenir à une nouvelle conception du désherbage et à la non-utilisation de produits chimiques. En sept ans, la Ville de Lyon est parvenue au « Zéro phyto » avec l’implication et le changement de pratiques des équipes de jardiniers.

Enfin, les espaces verts d’une ville sont l’objet d’attentes citoyennes fortes. Comment aider les habitants à retrouver un lien avec le sol trop bitumé de leur ville ? « En organisant directement la green guérilla (nb : implantations directes et souvent sauvages de végétaux dans l’espace public par des habitants) avec leur aide. Les espaces verts ont préparé avec les habitants les plantations des trottoirs sur le mode de fleurissements participatifs, en soutenant le lien intergénérationnel au moment de ces actions, et en aidant les habitants à considérer d’un œil nouveau la « mauvaise herbe ». Le processus a été baptisé MIF, les micro implantations florales. »

Bill Bouldin, architecte, Mechkat Bouldin associés
Bill Bouldin a invité les participants à un voyage sensible, érudit, culturel et contemporain à travers l’histoire du paysage et du jardin. Dans cette histoire, pour les trois religions du livre, le premier lieu de vie de l’homme, son milieu naturel, n’est pas la maison construite ou non (hutte, grotte, etc.) mais le jardin : jardin d’Eden aux quatre fleuves, le paradis. Ce jardin originel est celui de la pensée de la création.
Le jardin n’est qu’une portion d’un plus vaste ensemble. Il est une découpe dans le paysage, milieu sensible. Création, intervention de l’homme, il délimite au sein du paysage un espace clos, un enclos, dont la terre pourra être travaillée pour satisfaire les besoins de l’homme. En tant que création ceinte de murs, il s’agit non seulement d’une délimitation de l’espace mais aussi de la création d’un microclimat (murs protecteurs, bassins pour l’eau, etc.) et d’un micro écosystème.
Que peut-on observer et comprendre de ce qui se cache dans le désir contemporain de jardin ? Tout d’abord se nourrir. Le travail de la terre est « magique ». Il transforme les gens. Aujourd’hui, certains consommateurs, privés  de jardins, deviennent « locavores » : ils décident de ne manger que ce qui est produit dans un rayon de 20 ou 50 km autour de leur lieu de résidence. Retour du jardin sous sa forme immatérielle. Attentes fortes aussi autour du jardin urbain intérieur.
Mais, avec le jardin, on exprime aussi des désirs de détente, d’étonnement (dans sa dimension relationnelle immédiate comme dans une dimension plus hautement spirituelle comme dans le jardin zen ou dans les jardins dont les éléments solides sont soumis à des variations, même infimes). On souhaite aussi s’amuser, se réconcilier avec la nature, s’inscrire dans une temporalité plus large que celle de sa seule vie, etc. Les motivations sont infinies mais toujours fortes.
Parmi de nombreuses images, toutes plus émotives et belles les unes que les autres, Bill Bouldin a projeté l’un des premiers paysages reconnaissables de la peinture occidentale. Il s’agit d’un baptême du Christ transposé à Genève, au bord du lac de Genève.

Débat

Les éco-quartiers
Didier Larue, paysagiste : La perspective de créer un éco-quartier panique les élus des collectivités. Le rôle du paysagiste est de les aider à retrouver le sens du projet qui réside dans le lien avec l’environnement. Ce qui est intéressant dans ces projets c’est que les habitants commencent à concevoir la ville comme leur milieu naturel. Ils ne cherchent plus à la fuir en allant à la campagne. Nous sommes à une époque charnière qui se pose de manière intense la question du lien du bâti avec l’environnement.

Bill Bouldin, architecte : Il faut arrêter de considérer les éco-quartiers comme des exceptions. En Suisse, le terrain constructible est rare. Il y a donc davantage de rénovation que de constructions et de création de lieux nouveaux. Le véritable enjeu de ces quartiers n’est pas dans leur conception mais dans leur usage : comment responsabiliser et sur le long terme les habitants ?

Quel devenir pour les lotissements et leurs jardins ?
Bill Bouldin, architecte : Nous constatons la disparition du pavillonnaire au profit de la densification des villes. Et la demande de densification vient des personnes les plus âgées dans la population. Je pense notamment à la construction de projets en coopérative par des seniors qui envisagent de manière autre leur dernière partie de vie.

Didier Larue, paysagiste : Je travaille avec le groupe immobilier Nexity. Nous constatons aussi la fin du pavillonnaire mais je ne vois pas de réponse claire du côté de la densification. Nous savons aujourd’hui que les quartiers les plus pauvres (ou en voie de grande paupérisation) et les plus dangereux sont ou seront les zones pavillonnaires. La question est donc bien celle de leur reconversion. Quels sont leurs éléments pérennes qui vont permettre le renouvellement de la ville ? Ceux qui vont le mieux s’en sortir sont les lotissements de la première couronne des villes car ils sont en lien avec les services qu’elle offre. En revanche, les plus éloignés sont en grand difficulté et risquent d’être abandonnés.

Que pouvons-nous apprendre des jardins denses et des jardins verticaux ?
Didier Larue, paysagiste : Il se produit en ce moment une évolution fondamentale du jardin et de l’habitat collectif. L’homogénéité des logements collectifs inquiète les habitants qui en éprouvent les limites à l’usage. Il faut donc augmenter la densification avec la proposition de logements différents, adaptés à des tailles de familles et à des modes de vie très hétérogènes.
Ces logements différents devront proposer des rapports différents aux espaces extérieurs, qu’ils soient privatifs et collectifs. La densification pose la question de l’intimité, de la personnalisation, etc. Les habitants sont très sensibles à la vie collective l’été à condition toutefois de pouvoir s’en protéger lorsqu’ils en éprouvent le besoin. D’où le rôle de la balconnière, elle-même en rapport avec le paysage qu’elle annonce. Elle est un premier niveau de protection mais aussi de transition pour l’œil et les relations. Les espaces intermédiaires, entre le privatif et le collectif, jouent un rôle semblable car ils ouvrent l’habitat sur l’extérieur : toit jardin, cour intermédiaire, accès aux jardinets privatifs en rez-de-chaussée, aux jardins partagés.
Il me semble qu’il faut envisager la nature en milieu urbain plutôt sous la forme d’une trame verte, qui permette de porter attention aux microclimats créés par certaines implantations, tout en pensant leur maillage jusqu’au macroclimat créé pour la ville. Car le végétal joue de nombreux rôles. Il a un rôle majeur dans le filtrage des polluants. Il participe de la lutte contre le bruit, contre les agressions urbaines, contre le sentiment d’insécurité, etc. Il améliore globalement le sentiment de qualité de vie. Il faut donc concevoir les nouveaux bâtiments à l’intérieur d’un végétal revisité.

Rapport au temps et jardinage
Didier Larue, paysagiste : Il y a une évidence qui mérite d’être rappelée : le jardinage permet à l’individu d’être en phase avec un rythme saisonnier et de s’inscrire dans un cycle de vie qui est celui du devenir (préparer, attendre, voir les plantes sortir de terre, les fruits mûrir, etc.).

Sylvie Sagne, Ville de Lyon : L’une des grandes vertus du jardinage est d’offrir le luxe de se ralentir, d’accepter le mystère, la réussite ou l’échec (lorsque cela ne pousse pas). Lorsque vous jardinez, le temps (dans toute l’acception du terme) vous est imposé. Au niveau des espaces verts de la Ville de Lyon, un de nos problèmes est que le temps de l’arbre n’est pas le temps du politique. L’élu attend trop souvent un résultat immédiat alors qu’il ne le verra pas si on respecte le rythme de la nature. Et puis, le jardinage c’était autrefois le temps de la transmission. Cela n’est plus le cas car les nouvelles générations de seniors sont bien souvent ignorantes de la nature. Il n’y a plus de grand-père en lien avec la terre.

Bill Bouldin, architecte : Il y a dans le désir de jardin, le désir de s’inscrire autrement dans le temps, notamment en renonçant à l’idée de résultat immédiat. Mais il ne faut pas s’illusionner : les pépiniéristes, les paysagistes et même les architectes vont dans le sens de leurs clients. Il faut trouver des plantes qui poussent vite et qui vont immédiatement donner satisfaction.

Le jardin réconcilié

Claude-Marie Vadrot, auteur de la France au Jardin, Ed.Delachaux et Niestlé
En lien avec le dernier thème abordé lors du débat, Claude-Marie Vadrot, enseignant, journaliste et jardinier, a rappelé que les nouveaux jardiniers, qu’il désigne sous le terme de néo jardiniers, ont un rapport difficile au temps.
Rappels historiques. Le jardinier est, par essence, conservateur. Le jardin français se caractérise par un goût fort pour l’ordre et la mesure, par le désir de maîtrise de la nature et de ses effets, par le goût pour une nature décor. Le jardin ouvrier (mis en œuvre par l’Abbé Lemire) « vise à apporter aux habitants une nourriture saine, à écarter l’ouvrier des bistrots et du risque d’alcoolisme, et de l’écarter également des réunions syndicales ! », le jardin ouvrier établit ainsi un lien fort entre les vertus de la terre et celle du foyer. La fédération des jardins familiaux était l’héritière de cette tradition. Elle promeut un jardinage potager rigoureux, la traque des mauvaises herbes. Elle met en valeur le jardin et la terre propres qui seront gérés en « bon père de famille ». Longtemps l’accès aux jardins familiaux a été refusé aux couples non mariés et divorcés. Les jardins cheminots défendaient une idéologie tout-à-fait différente.
Et aujourd’hui ? Force est de constater que c’est le modèle de la société de consommation des trente glorieuses qui a fait reculer le jardinage. Après la mode écologique des années 80 et 90, on retrouve, en raison de la crise, de l’intérêt pour les jardins familiaux, ouvriers, partagés, etc. Les jardins de ville se transforment avec succès en jardins de subsistance au moment des crises. La crise économique et sociale actuelle explique donc le renouveau du jardin potager dans les jardins d’agréments urbains ainsi que le développement de jardins potagers sur les toits, etc. Un indice de ce succès : les taux de vente des revues de jardinage ne cessent de grandir.
Claude-Marie Vadrot propose la typologie suivante de jardins et donc de jardiniers :
–    jardins-passion : les potagers,
–    jardins plaisir : les beaux jardins, les jardins de prestige,
–    jardins écologiques : ils accueillent les oiseaux, la nature, sont traités avec des produits bio,
–    jardins nécessité : on les trouve autour de Paris et dans Paris, dans le Nord, dans le Sud. Les jardiniers par nécessité sont des salariés des grandes villes, des retraités. Ils sont aussi bien locataires que propriétaires. Ces jardins sont actuellement en constante augmentation. Ils représentent plus de 100 000 tonnes de produits frais en autoconsommation (tomates, concombres, etc.).

Didier Leroux, Union nationale des entreprises du paysage (Unep)
On compte 20 000 entreprises du paysage en France qui emploient 80 000 actifs pour un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros. Une majorité d’entre elles  sont de toutes petites entreprises. 50% d’entre elles n’ont pas de salarié. 1% seulement compte plus de 50 salariés (50 entreprises). La création d’espaces verts représente 54% de leur activité, l’entretien 40%. Les Français privilégient la notion de jardin-patrimoine qui valorise le bâti. Les particuliers sont les premiers clients de ces entreprises (à hauteur de 40%). Le développement des services à la personne profite à ce secteur : 22% des entreprises du paysage ont créé une structure de service à la personne, tournée vers les personnes âgées.
L’Unep réalise chaque année une enquête d’opinion sur le jardin et les Français. Les résultats des enquêtes 2007, 2009 et Ipsos 2010 sont en ligne sur www.entreprisesdupaysage.org.

Synthèse des ateliers

Atelier 1 : concevoir et structurer un jardin adapté aux nouveaux modes de vie et aux nouveaux enjeux

Thierry Halgand, Balcoon.Fr / Paysagis.fr : design et jardinage en balcons – terrasses – fenêtres
L’ambition de la société pour ses clients :
–    Augmenter l’espace disponible en milieu urbain en aménageant les balcons et terrasses
–    Décorer ces espaces et faire revenir le végétal dans un espace urbain
–    Aider les clients, qui manquent de temps et de compétences, à concevoir ces lieux
–    Le balcon est un espace qui se veut plus multifonctionnel : espace détente, espace lecture, espace repas, espace salon…
La société Balcoon propose aujourd’hui des prestations complètes de fournitures et de réalisations.

Didier Larue, paysagiste : les tendances futures dans le jardin
M. Larue nous a proposé quelques visions supplémentaires de tendances futures dans le jardin :
– Le jardin de pluie, c’est-à-dire un jardin qui permet une meilleur gestion de l’eau, et de jouer avec celle-ci. Un jardin ou l’eau de pluie vient du toit de la maison, et chemine dans le jardin par des mini canaux ou rigoles pour transformer celui-ci par l’utilisation des bassins de rétention ou filtrants avec des plantes adaptées.
– le jardin sec : un  jardin pensé pour réduire sa consommation d’eau avec une meilleure gestion de l’arrosage, l’utilisation de paillage et le choix de plantes parfaitement adaptées à leur milieu.
– le plaisir des potagers : redécouverte des carrés potagers qui sont un bon moyen d’apprendre à cultiver et à maitriser ses besoins en légume. Redécouverte des goûts, des plaisirs simples et un moyen de transmission du savoir entre générations, c’est le jardin à taille humaine. Un  autre biais pour s’amuser dans le jardin.
– La pelouse tapis : l’approche classique des dernières décennies a été de se contenter de quelques plantations et d’une belle pelouse, les habitants veulent  autre chose, mais il faut les éduquer et les aider à imaginer le jardin autrement.
– Le jardin allié du confort de la maison : l’arbre qui donne de la fraîcheur à la maison pendant l’été par son feuillage, l’arbre qui perd ses feuilles l’hiver pour laisser passer la lumière. Les toitures végétalisées pour isoler les maisons.

Bill Bouldin: Highline-New York.
Présentation de la réalisation d’une coulée verte à New-York. La nature s’intègre dans la ville par la réappropriation d’une ancienne voie de chemin de fer aérienne. Dans un style résolument contemporain, la Highline est une invitation à la balade, à la contemplation et à la détente. La première partie a été ouverte en octobre 2009 et participe à la métamorphose du quartier de Meatpacking, les anciens abattoirs de Manhattan.

Atelier N°2 Cultiver et entretenir son jardin (Pratiques, produits, etc.)

Frédérique Brillot, Maison du Jardin, Lille  (Fédération regroupant 200 associations)
Mme Brillot a retracé l’historique des Jardins Partagés puis a présenté les attentes des adhérents du Nord Pas de Calais ;
La norme minimale de confort de l’habitat n’a été atteinte qu’en 2002 dans la région ; dès lors, le jardin devient une attente forte.
Volonté actuelle de s’occuper de son jardin. Ainsi 1 particulier sur 3 possède un jardin.
On peut constater un changement de la population qui jardine depuis 5 ans. Une vraie demande s’exprime de la part de familles plus jeunes (35 ans en moyenne, cadres moyens, employés, enseignants, avec enfants d’une dizaine d’années) dont le souhait est d’améliorer leur cadre de vie et d’avoir une alimentation plus saine.
Villeneuve d’Ascq : 200 jardins ouvriers, 660 personnes en attente de jardin ; ces personnes ne savant pas jardiner et souhaitent un « complément alimentaire ».
Dans le Nord Pas-de-Calais, 5% de la population sait jardiner, d’où une énorme demande pour apprendre de la part de ce public.
Les  thèmes les plus demandés au sein de l’association:
Améliorer la terre,
Préserver les ressources en eau,
Comment soigner les plantes par les plantes (décoction orties, consoude etc.), rotation des cultures
Accueil de la biodiversité (insectes, faune auxiliaire)
Limiter les déchets, compost/recyclage des déchets, le lombricompost
Un potager sur 1m² (ex : sur un toit) : carré potager, jardinage à la fois écologique et économique.
Un Jardin à ma fenêtre
Comment investir une friche dans mon quartier, dans mon entreprise, pour en faire un Jardin partagé.
Les associations désirent se rapprocher de la distribution pour partager. Par exemple, démonstrations à titre gracieux, demande de création de solutions de jardinage facile.
Différents points sont soulignés par les participants (en particulier, Monsieur Vadrot, sociétés Scotts, Nortène, Cultisol, Vilmorin, Biolandes, …) :
L’importance du rôle de conseil de Leroy Merlin en tant que prescripteur (Seule la distribution a une visée d’ensemble du jardin)
Il n’y a plus de potager « pur »,  il est mixte
Attention à la mauvaise qualité des végétaux vendus chez LM (risque de déceptions)
Attention à ne pas créer un trop grand décalage entre les ambiances du Guide jardin et la réalité en magasin : faire rêver en magasin sur le pôle Jardin (comme c’est le cas dans les autres secteurs, le secteur Jardinage est le parent pauvre chez LM)
Pistes à développer :
Faire en sorte que le jardin se démocratise (comme le bricolage auprès des femmes via le conseil, les diagnostics, les ateliers de jardinage).
Comment donner envie, donner le déclic de jardiner,
Apporter plus de pédagogie, rendre le jardin plus accessible, proposer des livres de jardinage dans le  rayon jardin.
La nécessité de rendre les gens responsables, développer les solutions prêtes à l’emploi
Jardin sur les parkings LM (espaces jardinés)
Raisonner par univers ex : univers potager
Revoir l’approche Merchandising
Renforcer la qualification des vendeurs (conseil sur du vivant et du dangereux)
Comment exploiter les ponts entre les associations et les distributeurs ?
Il ya des règles de base à respecter (comme dans un sport) et les associations peuvent aider.
Se rapprocher des Jardiniers de France ou encore des Aînés de France (950.000 adhérents en France), idée de tutorat et de parrainage pour développer les expériences de jardinage
Démonstration dans  les écoles : participer à la Semaine nationale Jardiner à l’école début mars

Sylvie SAGNE, Directrice Adjointe des Espaces Verts, Ville de Lyon
Sylvie Sagne présente la Plate-forme collaborative professionnelle, laquelle rassemble les bonnes pratiques (ex : fiches pratiques sur le compostage, etc.). La plateforme rhônalpine fondée en 2007 et gérée par 4 partenaires (DRAAF, Grand Lyon, Unep Rhône-Alpes/Auvergne et Ville de Lyon) a pour objectif d’aider les professionnels du paysage des secteurs privé et public à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement.
La finalité d’Echos-Paysage est simple : mutualiser les bonnes pratiques en matière de développement durable dans les espaces verts et les faire partager au plus grand nombre par le biais de réunions d’informations, de journées techniques, de visites de sites mais aussi au travers de ce blog où vous trouverez de nombreuses données
Voir le blog  http://echospaysage.unblog.fr/
Organise des formations pour d’autres villes que Lyon (Lille, Bordeaux)
Voir aussi la journée Plante et Cité sur le thème « les techniques alternatives de désherbage »
http://www.plante-et-cite.fr/journee-technique-plante-cite-echos-paysage-le-8-avril-2010-a-dardilly-15310.html

Atelier 3 – Bien vivre dans son jardin

Pierre Dhénin, directeur de l’espace nature Lille Métropole
Dans une ville qui comptait l’un des plus faibles taux d’espaces verts, en Europe, 15 m² par habitant, la décision est prise en 2000 de lancer une Métropole verte et bleue, en associant le monde agricole, en créant des événements, en développant des parcs et jardins, tels que Mosaic le Jardin des Cultures, en se lançant dans la gestion différenciée.
En 2002 puis 2007, l’ENM a lancé 2 vastes sondages sur les visiteurs et sur les habitants de la métropole lilloise, pour mesurer leurs goûts et attentes. Il en ressort :
-une grande adhésion à la gestion différenciée : De 82% à 96% d’opinions favorables. A plus de 80% et avec une progression entre les deux dates, les parcs sont perçus comme bien entretenus et sécurisant. Les aspects « sauvages » de la gestion différenciée semblent donc intégrés par la population.
– les attentes de calme et d’air pur restent dominantes mais en recul par rapport à sortie en famille et découverte de la nature
-le top 3 de la demande d’animation en 2002 – 1 protection de la nature 2 découverte 3 jardinage, cède le pas en 2007 à :
1 découverte de la nature
2 techniques écologiques pour la maison (ce qui n’est pourtant pas la vocation de l’ENM !)
3 conseils jardinage.
Pierre Dhénin en retire la conclusion d’une forte évolution : les visiteurs et les métropolitains développent fortement, dans leur rapport à la nature, l’envie de vivre des expériences, d’apprendre et de faire par soi-même, au détriment des attentes plus contemplatives ou passives.

Michel Baarsch, association Coté Jardins, un exemple de jardin partagé
Il présente cette association lyonnaise : 110 familles de l’agglomération lyonnaise partagent un hectare de jardin loué à Tassin-la-demi-lune, en périphérie. Le jardin produit des fruits et légumes bios, équitablement répartis entre les adhérents, pour 34 € par mois sur 10 mois. La règle est de passer au minimum 6 dimanches par an sur le jardin pour le travailler. Les adhérents s’organisent par quartiers de l’agglo pour récupérer les paniers chaque dimanche, avec des habitants relais par quartier. Un jardinier est salarié par l’association, des panneaux solaires ont été installés sur le local sur place, des temps festifs sont organisés, et un livre de recettes, Les légumes passent à table, a été publié (Ed Terre Vivante)… et diffusé à environ 20 000 exemplaires.
Coté jardins existe depuis 88. Au tournant des années 2000, ses fondateurs s’inquiétaient de leur devenir, les citadins seraient-ils prêts à continuer à travailler la terre, à faire les efforts requis ? Aujourd’hui, l’association est dépassée par les demandes d’adhésion, elle a bloqué à 110 le nombre de familles adhérentes, et a également bloqué à 25 le nombre de personnes en liste d’attente… pour quelques années ! Un exemple de l’engouement pour ces formules de jardins partagés et vivriers, partout dans les grandes villes les jardins n’arrivent plus à satisfaire les demandes. Cela traduit un souhait à la fois de production et de redécouverte gustative, et aussi une aspiration à la convivialité élective.

Cédric Carles, designer, atelier 2ce à Lausanne, www.atelier2ce.org
Se définissant comme un designer à dimension éthique et sociale, il est notamment créateur d’objets pour le jardin. Il insiste fortement sur l’hybridation entre le bâti et le naturel, entre minéral et végétal. Cela s’exprime à plusieurs échelles : dans l’urbanisme ou sur de grands bâtiments, comme dans le développement de murs ou toits végétalisés et/ou dépolluants, comme dans l’habitat individuel, avec par exemple des systèmes mobiles de plantations dans le logement, dans des grands sacs ou à roulettes.
Il développe l’idée de « la ville comme un jardin : même les objets construits deviennent des parties du jardin », alors que « partout dans le monde des citoyens reverdissent les villes et les espaces non utilisés ». Lui-même propose des objets et meubles dans lesquels des végétaux sont intégrés dans le mobilier. Par exemple un canapé dont dossiers et accoudoirs sont aussi réceptacles pour des buissons qui les prolongent, bloc cuisine dans lequel la vaisselle s’égoutte à la verticale au-dessus d’un bas à plantes, chaise longue engazonnée…
Dans une complicité homme-nature, dans des pièces à vivre dans la maison aux fonctions plus floues (on travaille dans son canapé, on mange devant son ordinateur, on jardine dans sa cuisine…), Cédric Carles incite à considérer le végétal comme un matériau à utiliser dans l’aménagement du logement.

INTERVENANTS

Didier Larue, paysagiste DPLG
Passionné de nature et de dessin, il se consacre au paysage dès ses années d’école d’architecture à Lille. Il crée son agence nord à Lille en 1980 puis une agence sud à Lyon en 2002. Il s’associe finalement à Julio Da Silva, ingénieur Voirie et Réseaux Divers, pour créer l’Atelier LD en 2006. Depuis plus de 20 ans, il enseigne en écoles d’architecture, intervient comme conférencier et formateur HQE.

Sylvie Sagne, directrice adjointe des Espaces Verts, ville de Lyon
Depuis 2000 aux Espaces Verts de la ville de Lyon, elle a piloté successivement la démarche de certification ISO 14001 visant à réduire les impacts des activités des jardiniers sur l’environnement, le projet de Gestion Evolutive Durable (évolution vers des modes de gestion écologique des espaces verts publics) et les projets transversaux innovants (murs et toitures végétalisés, mise en œuvre de la traction animale en ville, utilisation de biolubrifiants et d’agro carburants…). Co-création de la plateforme collaborative http://echospaysage.unblog.fr.

Bill Bouldin, architecte
Architecte diplômé de l’Université de Genève et licencié en lettres de Johns Hopkins University à Baltimore, U.S.A, il est depuis plus de vingt ans associé à Cyrus Mechkat, avec une orientation pluridisciplinaire. Ancien assistant en paysage à l’Institut d’architecture de l’Université de Genève, il a animé des ateliers de projet paysage. Il s’intéresse tout particulièrement au jardin persan qu’il a étudié en Iran lors de ses voyages, et aux aménagements agricoles hydrauliques tels que pratiqués dans les pays arides.

Claude-Marie Vadrot, journaliste
Journaliste depuis 30 ans, il est à la fois spécialiste des pays en proie à des conflits et des questions d’écologie, de protection de la nature et de société. Derniers livres publiés: la France au jardin – histoire et renouveau des jardins potagers, Guerres et environnement, L’horreur écologique (Delachaux et Niestlé), et enfin «Enquête sur la biodiversité» (ed Scrinéo, coll Carnets de l’info). Après 20 ans au Journal du Dimanche, il collabore désormais à l’hebdomadaire Politis et à Médiapart. Il est aussi délégué général des JNE, journalistes auteurs pour la nature et l’environnement.

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