Energie & confort Objectif rénovation énergétique avec l’ADEME
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Objectif rénovation énergétique avec l'ADEME

Entretien avec José Caire et Ariane Rozo


Entretien

L’enjeu de la rénovation de l’habitat est majeur pour l’Etat, dans l’optique d’une réduction massive des consommations d’énergie. Aujourd’hui l’ADEME entend dépasser l’approche technicienne du bâtiment, pour prendre en compte les dimensions humaines, les questions de confort et de parcours de vie des habitants.

Sur ces liens étroits entre bâtiments et occupants dans la transition énergétique, l’ADEME et LEROY MERLIN Source sont partenaires de recherche depuis 2011. José Caire, directeur Villes et Territoires durables, et Ariane Rozo, ingénieure au service bâtiment, nous disent pourquoi ils se retrouvent dans le thème Penser avec, faire ensemble / les nouvelles co-opérations habitants-professionnels , à l’occasion des 4mes Assises de l’habitat LEROY MERLIN en 2017.

José Caire

Ariane Rozo

« La coopération avec les usagers et la coopération des professionnels entre eux sont deux clés importantes pour gagner en performance énergétique et en confort »

 

 

 

Penser le projet avec l’utilisateur du logement

« Nous avons repéré, à travers nos études et travaux de prospective, une progression de l’implication des habitants dans les projets d’habitat. Que ce soit l’auto-réhabilitation accompagnée, habitat partagé, conception collaborative (sujet du chantier de recherche que nous menons ensemble actuellement). Le point commun c’est de penser le projet avec l’utilisateur du logement, le concevoir et le faire avec lui, dans le neuf comme dans la rénovation.

Il est essentiel de repérer le bon moment pour mobiliser l’usager, et définir avec lui le bon niveau d’implication, pour éviter les déconvenues sur le plan énergétique. L’exemple récurrent qu’on cite toujours, ce sont ces logements BBC neufs dans lesquels on constate un écart très important entre la performance prévue en théorie et les consommations réelles. Parce que les usagers ont été absents lors de la conception, non sensibilisés au fonctionnement des systèmes techniques, ni à la remise des clés ni à aucun autre moment. On ne peut s’en contenter, on ne peut en rester à un tel décalage entre la technique et l’humain ! Concevoir et faire ensemble, c’est une clé pour dépasser ces constats et faire mieux. Même si on sait que cela pose de nombreuses questions juridiques et organisationnelles. »

 Mieux coordonner les interventions des professionnels

« Nous avons besoin en France de nouvelles coopérations entre les professionnels, d’une meilleure coordination le plus en amont possible des projets de construction, pour une meilleure efficacité dans le monde du bâti. Nous pensons bien sûr à la cohérence du travail des artisans sur un chantier. Mais voyons le sujet plus largement, avec non seulement les artisans, mais aussi les architectes, les grandes surfaces de bricolage, etc.

L’enjeu sous-jacent, c’est la satisfaction des ménages. Dans l’observatoire Open, on voit clairement que les artisans sont perçus comme compétents dans leurs corps de métier. Mais dès qu’on évoque la transversalité, c’est-à-dire une vision globale de la rénovation, les ménages sont perdus, pas du tout satisfaits. La logique du projet des habitants se heurte à un manque d’échanges et de discussion entre les différents métiers.
À l’inverse, des structures permettent une bonne intégration des enjeux et des compétences nécessaires. Par exemple, des organisations en coopérative dans laquelle travaillent à la fois des architectes et des artisans. Cela permet de rassembler tous les corps de métier dans une même structure. Le dispositif est efficace pour répondre à des enjeux de rénovation. Ils ont l’habitude de travailler ensemble, en conjuguant la conception et la réalisation. Les concepteurs intègrent les contraintes pratiques des chantiers et les méthodes des entreprises de travaux, et réciproquement. De façon générale, les métiers de l’intégration et de la coordination des travaux doivent se développer. »

Faire place à l’auto-rénovation

« Dans l’effort massif de rénovation de l’habitat (objectif 500 000 logements par an dès 2017), il faut se demander comment faire progresser la part de l’auto-rénovation, non pas en proportion mais en nombre. L’implication des ménages est un point majeur. Or, on voit bien que les arguments économiques classiques pour les convaincre d’engager des travaux, tels que le temps de retour sur investissement, ça ne marche pas ! Il faut trouver d’autres ressorts, ceux de l’envie, de la motivation à faire évoluer son logement.

Cela pose forcément la question de la part des travaux que les particuliers peuvent faire par eux-mêmes, la question du « qui fait quoi » entre le ménage et les professionnels. Et si les travaux sont répartis entre particuliers et professionnels, alors se pose aussi la question de l’accompagnement des ménages. En d’autres termes, l’approche traditionnelle selon laquelle il existe une demande des ménages, en face de laquelle les professionnels doivent élaborer une offre, s’est révélée un peu sèche et incomplète. La réalité est beaucoup plus riche et complexe que cela dans la relation entre les ménages et les professionnels. Dans l’auto-rénovation, on observe des répartitions de tâches  très variables. Et cela peut mener assez loin dans des collaborations fortes. Il faut explorer plus avant cette dynamique, en ayant en tête, encore et toujours, les questions assurantielles. »

Rendre l’information plus lisible et cohérente

« À travers notre dernier observatoire « 10 000 ménages », nous disposons de données sur les pratiques, les gestes et les travaux de maîtrise de l’énergie. Au tout début d’un projet, pour avoir des informations et des conseils qui orientent de manière forte leurs choix, les habitants cherchent avant tout un contact humain. Ils s’adressent aux conseillers dans les magasins de bricolage ou aux artisans et aux agences d’initiative publique telles que les EIE (espaces info énergie) ou les Pris (points rénovation info service). C’est là qu’ils trouvent les premiers éléments d’information sur les travaux. Il faut imaginer de vraies collaborations entre les lieux d’information tels que les EIE/Pris et les grandes surfaces de bricolage.
Nous avons un enjeu de « faire ensemble » pour tous les acteurs de l’information, du conseil et de l’accompagnement. Outre les EIE ou les Pris, il existe désormais les plateformes de la rénovation énergétique (PTRE). L’enjeu du moment est de rendre tous ces dispositifs plus lisibles, plus simples et pérennes dans le temps, avec des besoins de mutualisation, pour consolider le tout et gagner en efficacité. »

Progresser sur les petits chantiers

« Aujourd’hui la filière est capable de mobiliser expertises et compétences sur les chantiers importants, avec des outils technologiques, des architectes, des bureaux d’étude, etc. On aboutit à une organisation et une cohérence des travaux qui permettent d’obtenir un bon niveau de performance énergétique. Mais comment faire bénéficier les chantiers de moindre importance d’une telle densité de matière grise ? À hauteur de 30000 à 40000 euros de travaux, on peut mobiliser une part du budget pour financer l’expertise, mais dans une enveloppe de 10000 euros ou moins, c’est beaucoup plus compliqué. Comment proposer une vision globale et efficace sur le plan énergétique pour les particuliers qui mobilisent des petits budgets de travaux ? Il faut s’inscrire dans les problématiques de vie des gens et de leur habitat. Cela suppose des compétences et des modes d’approche appropriés. »

Traiter les questions de responsabilités

« Quand on évoque de nouvelles coopérations dans les travaux entre habitants et professionnels, cela pose aussi des questions délicates de responsabilité. Que se passe-t-il quand ça tourne mal, si des travaux sont mal faits ? En auto-rénovation, et notamment avec un accompagnement professionnel ? Qui est responsable si les performances énergétiques escomptées ne sont pas atteintes, ou si il y a un défaut de conception, ou de réalisation, un accident sur le chantier, etc. Il faut intégrer les considérations de droit et d’assurance. Chacun doit pouvoir assurer ses arrières en cas de problème, de défaut, d’imprévu, d’accident. C’est un sujet complexe qui reste à explorer. »

Le partenariat avec LEROY MERLIN Source

«  En premier lieu, cela s’inscrit dans une relation de travail et de confiance construite avec Leroy Merlin Source depuis plusieurs années. Nous avons élaboré et accompagné ensemble plusieurs travaux de recherches sociologiques menés par Gaëtan Brisepierre. Tout d’abord en 2013 l’étude des écarts entre performance calculée et performance réelle dans les bâtiments BBC neufs. Puis celle sur la notion d’accompagnement des habitants telle qu’elle est pratiquée, vécue et ressentie par des professionnels du bâti en 2015… Sans oublier le chantier de recherche sur les pratiques de conception collaborative dans l’habitat collectif entre professionnels et groupes d’habitants. Cette dernière a la vertu de rassembler autour du chercheur un comité de pilotage au sein duquel le Puca et l’Ordre des architectes sont représentés. Nous avons appris à nous connaître, à travailler collégialement.

Nous apprécions chez Leroy Merlin Source un positionnement qui nous semble précurseur. Car il sait prendre en compte les dimensions humaines des enjeux du bâtiment, avec une capacité à aborder l’habitat du point de vue des personnes et de leur confort, et pas seulement d’un point de vue technique. Au fond, c’est complémentaire de la vision de l’Ademe. Concernant les Assises de l’habitat, nous étions déjà présents et actifs lors des précédentes éditions, soit en participant à des ateliers, soit en intervenant lors de conférences. Nous avons pu apprécier très concrètement la qualité des échanges. Dans la continuité, cela nous semble naturel de nous inscrire dans une véritable logique de partenariat. »

Le thème des nouvelles coopérations habitants-professionnels

« Les enjeux de rénovation sont aujourd’hui majeurs, en particulier pour l’Ademe en prenant en compte la dimension énergétique. Et cela dans un contexte de réduction des consommations et des émissions de gaz à effet de serre, avec des objectifs chiffrés très ambitieux. Notre culture d’origine, c’est l’expertise technique. Mais nous avons pris conscience petit à petit que la rénovation énergétique n’existe pas vraiment en tant que telle pour les habitants. La rénovation s’inscrit toujours dans une problématique d’habitat, dans un projet résidentiel, un projet de vie, etc.

Si nous voulons agir sur le plan énergétique, il nous faut bien positionner les politiques publiques, au bon endroit et au bon moment. Composer avec la logique habitante, l’appréhender de manière globale. Il faut par exemple investiguer la question des travaux embarqués. C’est-à-dire mieux saisir les moments de vie privilégiés des familles, propices aux travaux : le premier achat immobilier, la naissance des enfants, les étapes clés du vieillissement, etc. Il faut apprendre à utiliser ces moments où les gens font des travaux pour embarquer l’amélioration énergétique.

Nous élargissons donc notre horizon, pour ne pas nous en tenir à une approche technicienne de l’énergie. Les Assises de l’habitat contribuent à cette compréhension globale de l’habitat, à ses subtilités, ses évolutions. »

L’approche des milieux professionnels

« Nous avons un enjeu global de décloisonnement. Au niveau de l’Ademe, et au-delà dans tout le secteur du bâtiment, nous devons parvenir à un changement d’échelle massif dans la rénovation. Il faut donc convaincre les particuliers, générer de la confiance. Pour cela, il faut parvenir à une bien meilleure cohérence entre toutes les interventions professionnelles du secteur : architectes, artisans, grandes surfaces de bricolage. Mais aussi les professionnels de l’immobilier et du financement des travaux qui peuvent être de précieux alliés comme les notaires, les banques, les assureurs, les agents immobiliers, etc. Il faut donc ouvrir et moderniser nos manières de travailler, dépasser les clivages entre les métiers. L’enjeu de la rénovation est tellement vaste, il y aura du travail pour tout le monde. Nous avons besoin de coopération, pas de travail en silo.

En 2012, nous avons pour la première fois écrit une stratégie rénovation, et nous la révisons actuellement. Nous souhaitons ouvrir de nouvelles pistes, avec un certain nombre de professionnels avec lesquels nous avons peu travaillé jusqu’à présent, et tout particulièrement les grandes surfaces de bricolage. Cela figure dans notre agenda. »

 

 Entretien réalisé par Denis Bernadet – février 2017

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