Entretien avec François Madoré, géographe
François Madoré, Géographe à l’Université de Nantes, répond à trois questions sur la vie dans le périurbain.
Peut-on encore évoquer le périurbain au singulier ou le phénomène a-t-il pris des formes variées ?
François Madoré : Le périurbain est pluriel, la vision monolithique développée dans les années 70 et 80 a vécu. Les recherches plus récentes se sont attachées à montrer la pluralité des populations du périurbain. On a souvent décrit ces populations comme des familles fuyant la ville, la mettant à distance. Certes, le stéréotype du ménage modeste qui s’installe loin du centre urbain sous l’effet de la contrainte du marché foncier et immobilier existe. Mais il ne doit pas occulter la diversité des stratégies résidentielles, des attentes des familles. D’autres viennent s’y installer par choix. D’autres encore n’ont jamais connu la ville dense dans leur parcours résidentiels, ils ont toujours habité le périurbain ou viennent de l’espace rural proche… Ces familles ont un rapport différent à la ville dense. La diversité l’emporte. Et le rapport à la ville dense dépend énormément du capital culturel et économique des personnes. Ceux qui ont un capital culturel relativement élevé ont une fréquentation plus assidue de la ville dense par exemple.
On évoque parfois les familles du périurbain comme plutôt repliées sur elle-même, qu’en est-il ?
La figure du replié existe mais il ne faut se focaliser sur elle. Elle est vraisemblablement largement minoritaire. Les observations de terrain récentes le démontrent. On observe une vitalité de la vie sociale et associative très grande dans ces communes. On avait un prisme de lecture déformant. Ces espaces se sont développés sous l’effet de la contrainte des prix du foncier. On a donc considéré ces communes comme des communes dortoirs. Autrement dit des communes dont 70 à 80 % des actifs ne travaillent pas sur leur territoire, des communes plutôt vides la journée… On a supposé que ces espaces connaissaient une forme d’anomie sociale, alors que la réalité est très nuancée. Il existe une sociabilité, comme ailleurs, parfois très active, avec une identité qui s’est développée. Les ménages s’installent souvent pour une longue durée, ils créent des liens avec des voisins de même génération, de mêmes préoccupations. On est très loin du stéréotype du ménage replié sur sa cellule logement. Des liens se créent à travers la vie scolaire, mais aussi sportive, associative, culturelle…
Les villes-centre sont-elles toujours dominantes sur le périurbain ?
Ce schéma reste fort, notamment en termes d’emploi : la déconcentration de l’emploi est beaucoup plus limitée que la déconcentration résidentielle. L ‘attractivité économique des pôles urbains, services et commerces inclus, demeure. Mais n’oublions pas que de nouvelles polarités, de nouveaux centres – de moindre ampleur il est vrai, ont émergé. En termes d’aménagement urbain, on voit des agglomérations ou des communautés de communes traduire dans leurs Scot (Schéma de cohérence territoriale) l’affirmation de ces nouvelles polarités périurbaines : on essaie de conforter ces nouvelles polarités, avec la volonté d’y développer emplois et commerces, d’offrir une alternative voire de se substituer à l’offre de la ville dense.
Propos recueillis à l’occasion des 2mes Assises de l’habitat LEROY MERLIN en 2013