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La nomination des nouveaux espaces urbains

Entretien Leroy Merlin Source avec Franck Pavloff


Entretien

Franck Pavloff dont Matin brun, traduit dans le monde entier, revient régulièrement sur la liste des best-sellers – se définit comme un « écrivain de l’ailleurs ». Il rend compte des exils intérieurs ou géographiques que les guerres,  les drames, le cynisme et l’intolérance engendrent. Il a travaillé avec Patrick Bouchain dans le quartier de l’Union  (Roubaix-Tourcoing-Wattrelos) sur la nomination des nouveaux espaces urbains.

Que signifie habiter pour l’écrivain-voyageur que vous êtes ?

On habite quelque part et on vient de quelque part. Je viens de quitter Grenoble où j’ai habité pendant  vingt-cinq ans pour un petit village au-dessus de Gap, village du côté de ma mère où il y a toutes les traditions familiales et où j’ai appris à marcher. À Grenoble, je cohabitais avec des communautés que je ne connaissais pas. Il y avait dans les quartiers des rues, des passages, des bars que je ne voyais qu’une fois. Ici, j’habite dans une communauté rétrécie, où d’un coup d’œil, chacun sait ce qui se passe autour de lui. Le dimanche matin, la moitié de ma commune va à l’église. Il y a une école et la mairie en face de chez moi. Cet ensemble me donne une certaine assise, un certain calme, parce que je décode l’homme qui passe, la voisine qui ouvre ses volets ou pas. La présence de la communauté villageoise a resserré l’espace autour de mon habitation.

Habiter, c’est donc occuper un lieu puis s’intéresser à la maison qui ne dépend que de l’habitant. En ville,  si je réside dans un appartement, je suis contraint d’intégrer que je réside dans un logement collectif. Même si c’est une copropriété, une fois que j’ai repeint les escaliers, je ne peux pas beaucoup plus agir sur un bâti qui est figé. À la campagne ou dans un espace plus ouvert, je peux jouer sur mon espace. J’ai un jardin, je peux faire une extension, un atelier. Je me sens aujourd’hui plus libre au niveau de mon habitat.

Quel désir, aujourd’hui, vous fait bouger les murs de la maison en vue d’une reconfiguration et d’une extension ?

Il y a deux éléments, l’un technique, l’autre sentimental. Les murs de ma maison ont un mètre d’épaisseur mais le volant thermique nécessaire est insuffisant et il n’y a pas de vide-sanitaire. Sous le toit, la laine de verre s’est tassée et se délite. Je n’ai pas envie de la respirer ! Je me chauffe au bois mais je veux pouvoir m’éloigner de plus de deux mètres de la cheminée ! Une pompe à chaleur ou un puits canadien me seraient bien utiles. Cela n’existait pas à l’époque de mes grands-parents. J’ai aussi envie d’une extension dont je pourrai choisir les matériaux de construction et d’aménagement. Je veux pouvoir retrouver la qualité de vie que j’attends d’un habitat d’aujourd’hui. Les bonnes vieilles pierres, avec un toit sympathique, ne sont pas toujours le mieux pour y vivre. Et je ne souhaite pas reprendre les patins de ma mère pour traverser la salle à manger ! Je voudrais un sol en ciment ciré, par exemple. Et même casser un peu les murs, percer des ouvertures.  On voit bien que les enjeux techniques et environnementaux se mêlent au sentimental. Dans le Queyras proche, on faisait des meubles sculptés avec des rosaces. Cela est lourd et ne me touche plus beaucoup. J’ai envie de laisser passer un souffle plus contemporain dans cette maison. Parce qu’il peut arriver qu’un habitat trop codé par les générations précédentes soit un héritage trop chargé ou inapproprié.

Quelles formes d’habitat avez-vous rencontré au cours de vos voyages ?

Jeune sociologue, avec un grand cœur et peu de savoir, j’ai été nommé pour mon premier poste à Abidjan. J’étais chargé de réécrire les programmes de l’Afpa qui n’étaient pas adaptés à la réalité locale. Cela m’a passionné. On construisait à partir de rien le port de San Pedro, aujourd’hui très important, où des gens de la brousse allaient habiter. J’étais parti avec tout un tas de projets et il fallait tout repenser en tenant compte des réalités locales. C’était formidable d’apprendre et de découvrir qu’on n’allait pas construire une maison avec une entrée, un couloir, une cuisine, des toilettes, etc. Les toilettes, c’étaient des latrines extérieures.
La cuisine, c’était forcément à l’extérieur aussi, sur un trépied.

En Afrique, comme en Amérique du Sud et en Asie, que je connais bien, les habitats sont très singuliers parce que liés à la structure familiale. Elle donne forme aux concessions, c’est-à-dire aux cours où vit une partie de la famille : la deuxième épouse, la grand-mère, où des gens du quartier se réunissent, etc. Il y a un mélange de personnes et d’ouverture que je ne retrouve pas en Europe. À Abidjan donc, on construisait des hôpitaux sur le modèle européen. Mais il a bien fallu imaginer, à l’extérieur de l’hôpital, toute une organisation de vie pour que les familles qui visitent les malades puissent cuisiner, laver, etc. Car ce n’est pas l’hôpital mais la famille qui prend soin des malades durant les jours ou les mois de l’hospitalisation.

En quoi la forme familiale européenne conditionne-t-elle notre logement aujourd’hui ?

Il y a beaucoup moins de grands-parents présents dans les familles. Parfois  deux générations peuvent encore cohabiter mais il n’y a plus trois générations comme avant ou comme on peut en trouver ailleurs. Les anciens sont assez vite exclus, pas forcément mal, mais dans des habitations spéciales. Il n’y a plus cette chaîne de générations qui fait qu’une famille de 15 ou 20 personnes vivaient ensemble. Deux enfants en France par famille, en moyenne, c’est 2 + 2 et, parfois, avec les grands-parents, 6 au maximum. Je reviens de Varna en Bulgarie, dans une région montagneuse. Les habitations des membres d’une même famille se côtoyent,  les grands-parents sont à la porte d’à côté, la chaîne générationnelle n’est pas rompue.

Comment voyez-vous évoluer l’habitat à l’échelle mondiale ?

Les grandes mégapoles mondialisées tendent à toutes se ressembler. Au vingt-cinquième étage d’un building à New Delhi ou à Quito, je ne sais pas vraiment où je suis. Dans le monde rural, c’est autre chose. Il a gardé ses traditions de matériaux et d’occupation de l’espace. En Afrique, en brousse, on est encore dans un film de Jean Rouch. Il y a toujours le manguier et des constructions qu’un coup de vent pourrait détruire. En Équateur, ce sont des petites cabanes, en terre, avec une pièce unique et très peu d’objets aux murs. Ces habitats traversent les siècles sans beaucoup changer. Ce qui évolue le plus, ce sont ces zones intermédiaires autour des grandes agglomérations, là où c’est le n’importe quoi de tôle ou de pierre. La précarité et la  pauvreté du matériau font qu’on va habiter sur les pentes que les inondations vont détruire. Globalement,  je trouve que l’habitat de la ville a tendance à l’unification et l’uniformisation.

Vous avez travaillé voici quelques  années avec Patrick Bouchain sur le quartier de l’Union (Roubaix-Tourcoing-Wattrelos) autour de la question du nom des lieux. 

Non seulement on habite un lieu mais il a toujours un nom. Même en Afrique, on habite au Km 5 ! Cela a un nom. On ne peut pas habiter nulle part. En France, quand on est gamin, pour se présenter, on dit son nom,  le lieu d’habitation et la profession de ses parents, cela va ensemble. Quand j’étais gamin, je me présentais en disant : « Franck-Pavloff-rue-Jeanne-d’Arc » (nous habitions alors Nîmes). Je ne savais même pas comment s’écrivait rue Jeanne d’Arc. Ce n’était pas la rue d’une certaine Jeanne d’Arc dont je ne connaissais rien, c’était « rue-Jeanne-d’Arc », une formule aussi identitaire que mon prénom et mon nom. Les noms sont vraiment quelque chose de très fort pour s’approprier un lieu. Dans mon village, il y a deux petits lotissements. Je dis « petits » car ils ne comptent qu’une dizaine de maisons chacun. Ils ont des noms. L’un des deux s’appelle Père Gustave. Ses habitants ne disent plus le nom du village mais « j’habite Père Gustave ».

Avec Patrick Bouchain, j’ai travaillé dans l’un des petits quartiers de Tourcoing, celui de l’îlot Stephenson. À côté, dans la future Union, tout a été rasé et doit être reconstruit à neuf. Les habitants savent qu’il y aura des rues et des places actuellement sans noms. D’être d’une rue ou de l’autre est important. Il suffit que l’on soit de la rue d’à côté pour que cela ne soit pas tout à fait pareil. On est de la rue de la Tossée donc on n’est pas tout à fait semblable à ceux de la rue Stephenson. Ces mini-communautés s’approprient le nom des rues d’une manière importante.

Quelles difficultés particulières avez-vous rencontrées ?

La problématique du quartier de l’Union est de se trouver sur le terrain de trois communes : Tourcoing, Roubaix et Wattrelos. Comment briser les résistances et faire participer les gens qui vont habiter ensemble et se côtoyer ? C’est le b.a.-ba du travail communautaire. Vous habitez un endroit. Votre rue va en croiser d’autres, il va y avoir des places où d’autres gens vont habiter. Voulez-vous participer à donner des noms à cet ensemble ? Nommer les rues et les places ne vous en rendra pas propriétaire. Mais s’approprier le nom des espaces, c’est s’approprier les lieux, les nouvelles constructions qu’il va y avoir, qui ne sont pas les mêmes que celles dont les gens ont l’habitude, qu’ils ont toujours habitées. Ce qu’on leur construit est aéré. Ce sont de petits collectifs, très différents des maisons d’ouvriers avec courette. Participer au projet de nomination des lieux, c’est comme si nous avions dit aux anciens habitants d’inviter dans leur espace élargi les futurs résidents. Bienvenue à l’Union ! Nous vous offrons du café et des noms !

En rasant les anciens quartiers d’usines, toute une histoire a été abrasée. Comment avez-vous concrètement travaillé avec les habitants et les élus ?

Tout d’abord, il a fallu prendre en compte les prérogatives des communes du territoire qui ont le privilège de la nomination des lieux et y sont très attachées. De son côté, Patrick Bouchain était non seulement celui qui remodelait le quartier, mais aussi qui définissait les formes et les couleurs des bâtiments. Pour ce qui concerne la couleur des noms, il a accepté aussitôt que j’intervienne puisque je suis tout à la fois sociologue, psychologue, écrivain. Mon épouse, Françoise Gros, habite momentanément la maison-témoin du quartier, « le 106 », pour faire le lien avec les habitants. Je connaissais donc le projet. Patrick Bouchain et la société d’économie mixte (SEM) Ville renouvelée ont proposé que les habitants travaillent avec moi sur un répertoire de noms dans lequel les conseillers municipaux des différentes communes viendraient ensuite puiser pour leurs actes de nomination. Avec cette méthode de travail, on tenait ensemble la participation du plus grand nombre, la cohérence du répertoire de noms et le respect des prérogatives municipales. Lorsque j’ai évoqué la poétique de la ville, j’ai vu les sourcils des conseillers municipaux se froncer en se demandant ce que cela pouvait bien être ! Certains voulaient les noms des anciens patrons des usines, les grands hommes du lieu. D’autres des noms de fleurs. Je leur ai dit que cela ne se faisait plus beaucoup, qu’on pouvait faire mieux ! Pour moi, l’enjeu est de créer une toponymie qui échappe, autant que possible, aux contraintes politiques et publiques comme aux clichés, historiques ou sociaux.

Comment les mots ont-ils surgi et comment les avez-vous organisés ?

L’Atelier Électrique est une ancienne bâtisse transformée pour la durée des travaux en lieu d’accueil. Depuis le début de l’opération, on peut y voir les maquettes de ce qui va se faire dans la rue de la Tossée et à côté. Les gens y viennent régulièrement pour parler et discuter avec les architectes. Patrick Bouchain y a fait des « Conversations » avec les habitants et des étudiants en architecture de Lille. Pour le projet des noms, on a organisé une réunion d’information. Beaucoup de gens sont venus et ont accepté de travailler sur le projet. En parallèle, j’ai assisté à des conseils municipaux des villes concernées qui ont défini le cadre sémantique de la collecte de noms autour des quatre mots de concorde, paix, fraternité, union. Lors des dix réunions de travail avec les habitants volontaires, nous avons collecté et inventé plus de quatre cents noms, librement, sans censure, à partir du cadre sémantique de l’union. On était autour de la table, comme à l’école. J’avais un grand paper board et je notais tout ce qui était dit, thème par thème : musique, sport, transports, espace. Par exemple, pour la musique, croisée avec la concorde et l’union, les mots trouvés touchaient aux thèmes de l’harmonie, de l’accord, de la gamme, etc. Je leur ai proposé de mettre tout ce qu’ils voulaient, même des choses très contemporaines, car la musique se diffuse aussi sur le net.

Une fois que j’ai eu tous ces noms, j’ai joué avec. « Passage de témoin », autre exemple issu de la thématique du sport, est difficile à prononcer. En supprimant « age » dans passage, le nom devient « rue passe-témoin ». L’expression sonne de manière poétique et un peu ancienne. J’ai ensuite créé un cahier de plaques de rues dont la forme permettait de jouer avec les espaces à nommer (places, rues, avenues, traverses, etc.) et les propositions de noms. Puis, on a mis ce travail en ligne sur un site dédié, sous forme de roulette. L’habitant internaute peut y jouer et inventer des mots nouveaux, et enrichir la liste initiale. Les organisateurs m’envoient régulièrement les nouvelles créations ou propositions pour que je les intègre ou pas au thésaurus. De nouveaux thèmes apparaissent : voyage, nature, cuisine, humanisme, art, métiers…

On peut imaginer que l’exercice de la nomination des lieux est le conservatoire de la mémoire. Est-ce le cas ? 

Au regard du passé du lieu (site industriel, cités ouvrières, tissage) il y a des mots très intéressants, techniques. Mais les conseils municipaux ne voulaient pas trop rappeler le passé. Exit donc les noms de rues calqués sur des termes propres aux anciennes industries, peignage, brasserie, transport, etc. Ils pensaient aux nouveaux résidents du quartier qui n’auraient pas envie de ces mots chargés d’un sens trop lointain ou trop lourd. Actuellement, un trop plein de mémoire sature l’espace public, saturation doublée d’une tentation du « on va le faire à l’ancienne ». Alors que les habitants veulent, comme les élus, être dans le présent, dans une ouverture internationale, dans le moderne. La chance de ce territoire sera que des gens nouveaux y viennent et que des industries et commerces s’y implantent. Par ailleurs, la filature contemporaine n’a plus rien à voir avec l’ancien métier du tissage. Il s’agit de matériaux hyper sophistiqués adaptés au présent et au futur. Bien sûr, certaines associations d’habitants n’étaient pas d’accord avec cet effacement relatif du passé. Elles souhaitaient à la fois conserver des noms y faisant référence et créer un petit musée de machines anciennes. Je comprends cette nostalgie devant une mémoire qui semble s’effacer.

La rue des « Paquets Bleus », bien que renvoyant aux activités historiques du site, a un pouvoir évocateur plus large. Comment avez-vous opéré vos choix dans la matière des noms ?

Quand on arrive à trouver des noms, comme celui-là, à la fois évocateurs d’un passé et ouvrant immédiatement à un imaginaire, on les retient. Ensuite, quand je suis avec les mots, mon travail est d’en faire quelque chose qui soit à la fois une trace du passé et un signe de l’actualité, comme le mot « passe-témoin ». Pour nommer la première rue qui longe un immense bâtiment dédié au textile contemporain, le nom retenu a été celui de « rue du métissage », en référence au métis et au tissage mais aussi au brassage international. Les nouveaux tisseurs travaillent désormais derrière des écrans d’ordinateur. Les machines ne font plus le « tac-tac » rythmé des ateliers de tissage d’autrefois.

Les vrais débats entre habitants et élus porteront sur l’acceptation de termes à forte densité poétique : « rue des folles toiles », « rue des cent moutons », « rue méli-mélo », « chemin du clair-obscur », « rond-point des navettes », « carrefour des ritournelles », « square des épousailles » ou « rue des regards croisés »… J’aime beaucoup ce dernier nom qui évoque les ruelles anciennes où les adolescents se croisent sans oser se regarder et où les amoureux se cherchent.

Quelle importance le baptême de la rue revêt-il pour les habitants et pour le politique ?

Pour les habitants, le baptême, c’est l’entrée dans la communauté, dans ses histoires et dans ses fables. Il y a certes toujours la marraine qu’on est obligé d’inviter, la mauvaise fée qui va jeter un sort. Mais il faut que tout le monde soit là car ceux qui ne participent pas vont être déçus et en colère. Pour le politique, l’enjeu est surtout symbolique. Mon épouse est céramiste. Elle habite au milieu de la rue de la Tossée. Chaque habitant a pu venir dans le petit atelier du 106 fabriquer la plaque de son numéro de rue. Pour le premier baptême, un petit drap blanc dissimulait le rectangle de céramique que l’élu s’est fait un plaisir de retirer avec un petit cordon. La blancheur du drap, symbole du baptême ?

La reconfiguration du quartier de l’Union est aussi celle de l’habitat. Comment les habitants s’approprient-ils les innovations ou changements proposés ?

Il y a à la fois du refus et de l’acceptation paradoxale, du détour. Au milieu du quartier Stephenson il y a un grand espace qui appartient à la commune. Patrick Bouchain et son équipe envisageaient d’en faire peut-être un jardin communautaire. Mais une fois l’architecte parti, les habitants ont fait savoir qu’ils préféreraient avoir chacun leur jardin. Ils ont demandé si cet espace collectif pouvait être morcelé et des murs construits.

À l’intérieur des nouvelles habitations, la cuisine n’est plus comme avant : elle est plus ouverte, ça ne plait pas forcément. Ces résistances se retrouvent dans d’autres lieux innovants, par exemple quand on propose un dressing, à la fois pièce et rangement. C’est quelque chose qui n’existait pas avant. Finalement, les habitants aménagent leur dressing pour tout à fait autre chose. Ils changent la destination première de ce qui leur est proposé. Enfin, ils font aussi autre chose des chambres installées sous les toits. Ils demandent un permis de construire pour ajouter un chien-assis. Quant aux puits de lumière, ils vont les occulter parce qu’ils ne peuvent pas dormir la nuit avec la lumière de la nuit et de la lune.

Ces « adaptations, résistances et paradoxes » de l’habitant signent-ils plutôt l’appropriation de l’espace proposé par les professionnels ou le refus de modes d’habiter, conçus en chambre par ceux qui n’en seront jamais les habitants ?

Les deux, je pense. Les professionnels sont de plus en plus sensibles à la réalité des pratiques. Je suppose qu’ils font des allers-retours entre leurs projets et les usages réels. Mais peut-être trop rapidement. Ils passent, repartent, passent et repassent, serrent la main des habitants. C’est peut-être l’illusion d’être dans le réel sans y être vraiment tout à fait. Il n’y a peut-être pas assez de suivi des concertations qui prennent du  temps et coûtent de l’argent. Ceci dit, je trouve la résistance des habitants et leurs détours assez positifs. Ils n’ont pas envie de ressembler à leurs voisins. Vous avez choisi l’expression « Imprévisibles habitants » pour les Assises de l’habitat. Souvent, dans mes livres, j’écris que « le monde est imprévisible ». J’aime ce mot, c’est par là que se glisse la vie.

 

Propos recueillis par Pascal Dreyer, avril 2013

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